mercredi 11 février 2015

Matinee (Panic sur Florida Beach, Joe Dante, 1993)

Oui, le titre original de Panic sur Florida Beach est Matinee.
"Matinee", ça se traduirait en français par "matinée", c'est-à-dire
une séance ayant lieu dans l'après-midi dans les cinéma et théâtre.
Oui, une matinée, c'est dans l'après-midi, c'est comme ça.

Le pitch
Key West, Floride : le père du jeune Gene Loomis vient d’être envoyé en mission du côté de Cuba. On vient de découvrir des rampes de lancement de missiles, c’est la fameuse crise de 1962, durant laquelle le monde fut au seuil d’une Troisième Guerre mondiale. Et c’est dans cette joyeuse ambiance que débarque Lawrence Woolsey, réalisateur de films d’horreur, venu promouvoir son nouveau long-métrage Mant! (une histoire d’homme qui se transforme en fourmi géante).

D’où ça vient ?
Bon, je craque doublement mon principe pour cette chronique : le film n’a pas été réalisé dans les années quatre-vingt, et il parle des années soixante ! Mais je voulais vous parler de Joe Dante, réalisateur un peu oublié et pourtant emblématique des eighties.


Joe Dante et avec un de ses acteurs les plus connus.


Bien sûr, j’aurais pu évoquer Gremlins (1984), mais bon, tout le monde a vu Gremlins (et Gremlins 2, une des rares suites à égaler, si ce n’est surpasser son prédécesseur). Ou La Seconde Guerre de sécession (The Second Civil War, 1997), ou Hurlements (The Howling, 1981), ou L’Aventure intérieure (Innerspace, 1987… tiens, peut-être que j’en reparlerai en fait…). Mais j’ai choisi Matinee, d’abord parce que j’avais envie de le voir, et ensuite qu’il est très, très cool. 
Joe Dante, c’est clairement un de ces réalisateurs « Spielberg-like », comme il y en avait toute une écurie à cette époque. Robert Zemeckis, Chris Columbus, Barry Levinson… Dante étant un peu le « sale gosse » de l’équipe, celui qui faisait des trucs toujours orientés jeunesse, mais un peu flippants, un peu malsains, un peu à côté. Étonnamment, en dehors de Gremlins, le succès populaire des films de Dante est inversement proportionnel à leur qualité, et personne ne se souvient de Matinee, pourtant sans doute un de ses films les plus personnels et les plus aboutis.

Et aujourd’hui, ça donne quoi ?


Mant dans toute sa terreur. Et vous l'avez pas entendu parler...

Ça dépote. Déjà parce que, le film ne se déroulant pas dans les années où il a été produit, il en reconstitue l’ambiance de manière pas trop datée. Et surtout parce qu’il s’agit d’une lettre d’amour passionnée au cinéma bis des années cinquante-soixante. Le contexte politique est ouvertement exposé : on est en pleine Guerre Froide, et les films de science-fiction mettant en scène la crainte des Rouges sont à l’honneur. Dante est d’ailleurs allé caster de vrais acteurs des années cinquante, comme Kevin McCarthy ou Robert Cornthwaite, pour jouer dans Mant!, le film dans le film. 

John Goodman incarne un réalisateur de série B directement inspiré de William Castle, dont la silhouette assise et mâchonnant un cigare est pour ainsi dire devenu un cliché de Hollywood. Castle était connu pour les gimmicks qu'il créait pour améliorer l'expérience du spectateur : animations effrayantes dans la salle, buzzer planqué dans les sièges pour faire sursauter au moment crucial, souscription d'assurances-vie avant la séance en cas de mort de peur... toutes ces idées qui semblent aujourd'hui délirantes, Castle les a mis en œuvre, comme Woolsey le fait dans le film. Le producteur Mr. Spector est quant à lui inspiré de Samuel Z. Arkoff, dirigeant d’American International Pictures, société productrice de pas mal de films d’exploitation aux noms hallucinants (Frogs, The Vampire Lovers, Dr. Goldfoot and the Bikini Machine…). Matinee est truffé de ce genre de références au cinéma de cette époque.

Ajoutez une vision intéressante de la jeunesse et de son rapport à l’horreur et à la peur (celles des films et celles de la vraie vie, allant des bagarres et des amours à la perte des proches et la guerre) et un John Goodman passionné qui passe son temps à exposer les tenants et aboutissants profonds de son métier de cinéaste et de l’art en général, et vous obtenez plus qu’un film : une thèse sur une époque.
Je ne dis pas que c’est le meilleur film de 1993 (chacun sait que c’est Super Mario Bros), mais bon sang il vaut le coup d’œil !

Le casting dont on se souvient


Bonjour, je suis Orson Welles. Je m'permets d'interrompre ce flim
parce qu'on se fout un peu d'ma gueu... euh pardon, ça m'est venu tout seul.
John Goodman est une de ces trognes qu’on voit dans tous les films et qu’on ne peut pas ne pas aimer. Son physique imposant ne l’a pas empêché de jouer n’importe quel rôle, y compris dans un bon paquet de films des frères Coen, mais vous vous souvenez forcément de lui dans Roseanne, dans Arachnophobie (évidemment que je n’ai pas vu Arachnophobie, je suis moi-même horriblement arachnophobe), dans La Famille Pierrafeu… et dans cent cinquante mille autres films.



Je suis un connard, c'est écrit sur ma gueule.

Robert Picardo a une tête à jouer les connards, et le fait est, il a dû jouer un connard dans absolument toutes les œuvres tournées aux États-Unis depuis les années soixante-dix. Et dans la plupart des films de Joe Dante. Et dans Star Trek, aussi.


Son personnage s'appelle Ruth Corday, hommage à Mara Corday, qui jouait dans Tarantula,
Le Scorpion noir et l'improbable The Giant Claw (et fut la Mrs. Octobre de Playboy en 1958).
Cathy Moriarty apparaît dans pas mal de films, mais vous vous en souvenez peut-être parce qu’elle joue la méchante aux côtés d'Eric Idle (quand même !) dans Casper (Silberling, 1995, un film pas si nul qu’on pourrait s’y attendre), et la stricte Mary Brown dans le cultissime But I’m a Cheerleader (Babbit, 1999).

Bonus
La bande-annonce de Mant!, parce que c'est tellement génial que ça vaudrait le coup de payer sa place rien que pour ça.

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